Il est maintenant bien établi que le composant addictif principal du tabac est la nicotine. Cet alcaloïde est actif chez l'homme car il mime l'action d'une molécule endogène, l'acétylcholine (ACh) et interfère avec des processus physiologiques. La nicotine agit comme agoniste sur l'un des deux types de récepteur de l'ACh, appelé pour cette raison récepteur nicotinique de l'acétylcholine (nAChR). Ces récepteurs appartiennent à la superfamille des canaux ioniques activés par des ligands (ligand-gated ion channels ou LGIC) [60,122] engagés dans les réponses rapides aux neurotransmetteurs (voir le chapitre 8). Les nAChRs constituent une famille de protéines transmembranaires pentamériques (Figure 7.1) formant un canal ionique à travers la membrane plasmique dont l'ouverture est provoquée par un ligand endogène (comme l'acétylcholine) ou par des substances exogènes (comme la nicotine).
Les nAChRs sont présents à travers tout le règne animal. Dans cette
thèse toutefois, je me focaliserai sur les nAChRs des mammifères, et
particulièrement sur les nAChRs des rongeurs, qui sont de loin les mieux
caractérisés.
![]() |
La transmission nicotinique à la jonction neuro-musculaire fut le tout premier modèle de transmission nerveuse étudiée [21] et le nAChR a été le premier récepteur de «signalement» identifié comme tel [181]. L'existence de nAChRs différents dans le muscle et les neurones est connue depuis un demi-siècle [248]. La diversité pharmacologique des récepteurs neuronaux eux-mêmes a été révélée plus récemment, encore que bien avant les études de biologie moléculaire [249].
Les études biochimiques, réalisées chez la torpille et le gymnote dans les
années 70, ont permis de purifier le nAChR [47] et de
découvrir que c'était une protéine pentamérique formée de quatre
sous-unités différentes [344]. Elles ont été nommées ,
,
,
,
selon leur poids moléculaire. Plus tard, une
autre sous-unité a été découverte, remplaçant
dans le muscle
mature des tétrapodes. Elle fut appelée
(sic). Pour une revue
«historique» on peut voir [43].
Les méthodes de clonage moléculaire ont révélé l'existence de gènes
homologues codant les sous-unités du nAChR du système nerveux des
osteichthiens [65], revue dans [184] [Figure
7.2].
![]() |
Chaque sous-unité du nAChR suit le même schéma d'organisation
transmembranaire. Une large partie amino-terminale, portant les composants
du site de liaison, fait face à l'environnement extracellulaire. Elle est
suivie par trois segments transmembranaires, le second, au moins, étant en
hélice ,
puis un large domaine intracellulaire et un quatrième
segment transmembranaire [Figure 7.1]. La partie
carboxy-terminale, assez courte, est donc extracellulaire. Chez l'humain,
la taille des sous-unités varie de 457 résidus (
1)
à 627 résidus
(
4).
L'identité globale de séquence entre les gènes paralogues (apparus par
duplication) varie de 36,3 % (7/
3) à 72,4 %
(
2/
4). L'identité de séquence entre les gènes orthologues
(apparus par spéciation) d'humain et de rat varie de 82,2 % (
4) à
93,2 % (
2). La conservation de séquence n'est pas uniforme le long
de la sous-unité. Le peptide signal amino-terminal et le milieu de la
partie cytoplasmique sont hautement variables, la partie amino-terminale
extracellulaire et les portions de la partie cytoplasmique flanquant le
pore sont bien conservées, et les segments transmembranaires sont très
conservés [Figure 7.2].
L'étude phylogénétique des sous-unités du nAChR révèle quelques
sous-familles claires [184,45] (voir Figure
7.3). Ces sous-familles, définies sur la base des séquences
protéiques et de la structure des gènes (positions des introns dans la
séquence codante) sont congruentes avec les groupes définis
fonctionnellement (par des caractères biochimiques, pharmacologiques et
anatomiques). Dans les neurones, deux sous-groupes de sous-unités ont été
identifiés. 7 and
8 forment des récepteurs sensibles à
l'
-bungarotoxine (
-bgt). Ces récepteurs sont généralement
homo-pentamériques mais peuvent également former des hétéro-pentamères. Au
contraire, les récepteurs contenant
2-
6 et
2-
4 ne sont pas sensibles à l'
-bgt
[32,290,129] et forment toujours des
hétéro-pentamères. La première duplication entre les gènes de sous-unité
du nAChR date probablement de plus de 1,5 milliard d'années, alors que
les dernières ont eu lieu il y a environ 400 millions d'années (410 pour
2/
4, 380 pour
7/
8). La phylogenèse des
récepteurs nicotiniques sera abordée plus en détail au chapitre
9.
![]() |
L'analyse des promoteurs des gènes de sous-unité des nAChRs neuronaux
est une discipline naissante. Des éléments de spécificité cellulaire et
des activateurs ont été identifiés dans les promoteurs d'3
[213,361,110], d'
4
[340], d'
7 [210], de
2
[25,24] et de
3 [155]. Une
analyse fine a été menée à propos du promoteur de la sous-unité
2.
Cette étude a mis en évidence à la fois des éléments activateurs et des
éléments inhibiteurs [25]. Parmi ceux-ci, un NRSE,
répondant dans les cellules neuronales au facteur de transcription
REST, est partiellement responsable de la spécificité pour les
neurones. De plus, selon le contexte cellulaire, cet élément agit comme un
activateur ou un inhibiteur [24].
Une autre étude a montré que les gènes des sous-unités 2 et
3 sont réglés différemment par la famille des facteurs de
transcription POU Brn-3, alors que les gènes des sous-unités
7 et
4 ne sont pas affectés par ces facteurs
[215].
Le nAChR est composé de cinq sous-unités arrangées autour d'un axe de
pseudo-symétrie perpendiculaire à la membrane [Figure 7.1]. La
structure globale à faible résolution du nAChR fut initialement
déterminée par microscopie électronique de molécules uniques
[42], ou de cristaux bi-dimensionnels [172] de
récepteur d'organe électrique de torpille. La longueur de la molécule est
d'environ 120 Å, avec une partie extracellulaire en forme d'entonnoir de
60 Å et une partie transmembranaire de 30 Å. L'entrée extracellulaire
du pore mesure 25 Å alors que l'entrée intracellulaire est un peu plus
petite [320,325]. Cette protéine existe sous
différents états structuraux, interconvertibles par des transitions
allostériques décrites dans le modèle de transitions concertées
[217,123,93]. Un ligand va stabiliser l'état
pour lequel il a la plus forte affinité. Il y a trois types d'états
structuraux, basal (ou de repos ou fermé), actif (ou ouvert), et
désensibilisé [Figure 7.4]. Il peut exister plusieurs états
désensibilisés (au moins deux dans le récepteur du muscle). La liaison des
agonistes stabilise l'état ouvert, alors que la liaison des antagonistes
stabilise les états fermés ou désensibilisés.
![]() |
acide-aminé | interface | référence |
m![]() ![]() |
complémentaire | [303,261] |
c![]() |
complémentaire (D) | [67,49] |
t![]() |
principal (A) | [120] |
t![]() |
principal (A) | [120] |
c![]() |
complémentaire (E) | [49] |
c![]() |
complémentaire (E) | [302] |
t![]() |
principal (B) | [82] |
t![]() |
principal (B) | [82] |
c![]() |
complémentaire (F) | [75] |
c![]() |
complémentaire (F) | [75] |
t![]() |
principal (C) | [82,49] |
t![]() |
principal (C) | [168,82] |
t![]() |
principal (C) | [168,82] |
t![]() |
principal (C) | [82] |
A | B | C | |
![]() |
W Y | W Y | Y C C Y |
![]() |
W Y | W Y | Y C C Y |
![]() |
W Y | W Y | Y C C Y |
![]() |
W Y | W Y | Y C C Y |
![]() |
W F | W Y | D C C Y |
![]() |
W Y | W Y | Y C C Y |
![]() |
W Y | W Y | Y C C Y |
![]() |
W Y | W Y | Y C C Y |
![]() |
W L | Y Y | P G G Y |
![]() |
W Y | W Y | P - - Y |
![]() |
W F | W Y | D C C Y |
![]() |
W Y | W Y | P - - Y |
![]() |
W E | Q Y | P - - H |
![]() |
W E | L Y | P - - H |
![]() |
W E | Q Y | S - - E |
µM | ACh | Nic | Cyt | DMPP | dTC | DH![]() |
(EC50) | (EC50) | (EC50) | (EC50) | (K i) | (K i) | |
![]() ![]() |
68,7a | 19,2a | 25,4a | 11,2a | 1,36a | 0,85a |
![]() ![]() |
82,6a | 20,7a | 38,9a | 22,8a | 4,2a | 3,6a |
![]() ![]() |
443a-28b | 132a-6,8b | 67,1a | 55,9a | 2,4a | 1,6a |
![]() ![]() ![]() |
0,5b | 1,9b | ||||
![]() ![]() |
203a-163b | 80,3a-106b | 72,2a | 18,7a | 2,2a | 13,8a |
![]() ![]() ![]() |
122b | 105b | ||||
![]() ![]() |
68,1a | 5,5a | 2,6a | 18a | 3,2a | 0,11a |
![]() ![]() |
19,7a | 5a | 0,9a | 18,7a | 0,21a | 0,01a |
![]() |
179,6a | 113,3a | 30,9a | 71,4a | 3,1a | 19,6a |
Finalement, dans les récepteurs hétéro-oligomériques contenant moins de
cinq sites de liaison par récepteur (ce qui est le cas pour le récepteur
musculaire et la majeure partie des récepteurs neuronaux), il doit exister
trois types différents de topologie relativement aux sites de liaison.
Selon la vision «standard» des récepteurs à deux sites, les
sous-unités sont divisées comme suit : Un type porte le composant
principal du site de liaison (par exemple 1 dans le muscle,
2,
3,
4 et
6
dans les neurones). Un autre
type porte le composant complémentaire du site de liaison, (i.e.,
,
,
dans le muscle,
2 ou
4 dans
le neurone). En plus, il existe un troisième type de sous-unité qui ne
porte ni le composant principal, ni le composant complémentaire du site de
liaison (par exemple
1 dans le muscle,
5 dans les neurones
[338]).
Les différents états sont non seulement stabilisés par les ligands compétitifs, mais également par de nombreux effecteurs allostériques, comme la phosphorylation, le voltage, les stéroïdes, les ions calcium ...[327,197,175]. Ces régulateurs peuvent stabiliser l'état actif (Ils potentient l'effet des agonistes compétitifs) ou les états fermés (ils agissent comme des antagonistes non-compétitifs). Le site responsable de la potentiation par les ions calcium a récemment été identifié [121]. Il est intéressant de voir que sa position coïncide avec un résidu identifié comme participant à la liaison des agonistes (boucle F sur la Figure 7.2). Ces régulateurs pourraient permettre une régulation fine de la fonction des nAChRs, dépendante du contexte spatio-temporel du récepteur relativement aux autres systèmes de transmetteurs.
On trouve les récepteurs nicotiniques dans des tissus très divers. Bien que leur zone d'expression principale (c.-à-d. celle présentant l'intensité la plus forte) soit le système neuro-musculaire, on les trouve également dans les kératinocytes [139,138], les lymphocytes [13,318], les granulocytes [187] ou encore divers épithéliums [98,173] ...
La séparation en sous-unités musculaires et sous-unités neuronales est globalement vraie. Cependant la ségrégation n'est pas totale puisqu'on trouve des sous-unités «neuronales» dans des tissus musculaires [70,268,269] et des sous-unités «musculaires» dans des neurones [315]. Par la suite, je limiterai mon discours au système nerveux.
De nombreuses études d'hybridation in situ ont été réalisées afin de détecter les ARNm codant pour les sous-unités du nAChR dans le système nerveux du rat adulte (revue dans [185]) et embryonnaire [372]. Les résultats, présentés dans le Tableau 12.2, sont très divergents selon la sous-unité que l'on considère.
La sous-unité 2 est exprimée dans tous les neurones analysés
jusqu'à présent, dans le système nerveux périphérique comme dans le
système nerveux central [335,372], [Figure
7.5].
![]() |
Peu de tentatives ont été faites afin d'étendre ces observations aux primates et en particulier à l'homme. Cependant, les quelques études disponibles montrent qu'il pourrait y avoir des différences entre les primates et les rongeurs [52,281].
Les anticorps sont des outils puissants pour révéler la distribution
histologique et sub-cellulaire des sous-unités du nAChR. En effet, dans
les neurones, à cause de leurs longs prolongements, la colocalisation de
l'ARN messager et de la protéine n'est pas obligatoire.
Malheureusement, il semble que ce soit un réel challenge de générer des
anticorps à la fois spécifiques pour une sous-unité donnée du nAChR et
fonctionnant bien avec les méthodes courantes d'immuno-cytochimie. Dans le
cerveau de rat, deux études sont raisonnablement
convaincantes7.2. La sous-unité
2 a été trouvée à travers l'ensemble du cerveau, pas seulement au
niveau du soma mais également dans les dendrites et les axones (par
exemple dans le striatum) [157]. La validité de ce marquage fut
prouvée ultérieurement par sa disparition complète dans le cerveau de
souris ne possédant plus le gène fonctionnel codant pour la sous-unité
2 [256]. La description de la distribution de la
protéine
6 a été publiée récemment [136]. Cette
distribution ressemble à celle de l'ARNm codant la sous-unité
(i.e. seulement dans les soma des cellules de quelques structures
spécifiques). Cependant, puisque les auteurs ne détectent pas avec leurs
anticorps les régions comportant les plus faibles marquages de
l'ARNm (comme le noyau interpédonculaire caudal), il est possible
que le contenu en protéine
6 des processus soit infraliminaire.
L'autoradiographie réceptorielle est une troisième voie pour déterminer la distribution des nAChRs. Cette méthode présente l'avantage de détecter des sites de liaison assemblés, «fonctionnels». Cependant, la sélectivité des ligands disponibles actuellement n'est pas suffisante pour permettre une identification non ambiguë des récepteurs marqués. Une autre embûche de cette technique réside dans le masquage des sites de liaison à faible affinité par ceux possédant une affinité supérieure.
Dans le cerveau de rat, deux classes principales de sites de liaison sont
mises en évidence. D'une part on trouve les récepteurs marqués par
l'-bungarotoxine [57]. La distribution du marquage
ressemble globalement à celle de l'ARN messager d'
7
[299] [Figure 11.1. Ce
marquage disparaît totalement du cerveau de souris n'exprimant plus
7 [242]. D'autre part, on trouve une autre
population, marquée par l'acétylcholine7.3, la nicotine
[57], la cytisine [148] et l'épibatidine
[253]. Au sein de cette dernière population, si le marquage
est présent à travers tout le cerveau (à cause des sites de liaison
4
2
, l'hétérogénéité dans l'intensité des marquages révèle
l'hétérogénéité de composition des récepteurs (par exemple dans le noyau
interpédonculaire ou dans le tectum). De plus, le marquage de
certains tractus traduit le transport des récepteurs le long des axones.
Par exemple, le fasciculus retroflexus, reliant l'habénula médiale
au noyau interpédonculaire, est fortement marqué par la cytisine et
l'épibatidine, suggérant un transport de récepteurs du type
3
4 entre les deux régions (d'autant que le marquage perdure
dans le cerveau des mutants
2 [373]).
Dans quelques cas, l'immuno-purification des récepteurs endogènes a révélé la composition exacte en sous-unités des récepteurs. Les travaux énumérés dans le paragraphe suivant ont été effectués chez le poulet ou le rat, aucune différence n'ayant été pour l'instant décelée dans les structures considérées.
Whiting et coll.[349] ainsi que Flores et coll. [108]
ont révélé une population composée des sous-unités 4 et
2
qui rend probablement compte de la majorité des récepteurs à haute
affinité du cerveau. Conroy et coll. [63,62] ont révélé
l'existence dans les ganglions autonomes de récepteurs
3
4
5 et
3
2
4
5, et dans
la rétine de récepteur
4
2
5. Les nAChRs neuronaux
les mieux caractérisés sont ceux des cellules des ganglions moteurs
autonomes (revue dans [369]). Dans ces cellules, deux
populations de récepteurs ont été identifiées. Une première population
dont l'activité est bloquée par l'
-bgt est localisée de manière
périsynaptique [165,201]. Ces récepteurs sont formés de
sous-unités
7 [330]. Une seconde population de
récepteurs, dont l'activité est bloquée par la n-bungarotoxine (mais non
par l'
-bgt), est localisée dans les synapses
[202,144] mais aussi de manière périsynaptique
[352]. Ces récepteurs contiennent des sous-unités
3,
4 et
5 [145,330], 20 % d'entres
elles contenant également
2 [62].
Avec neuf sous-unités différentes disponibles, on peut imaginer 11817
récepteurs différents, 6560 si l'on omet les hétéro-pentamères
contenant 7 (qui ne forme que des homo-pentamères chez les
mammifères) et 6348 si l'on soustrait les récepteurs ne comportant que
les sous-unités
5,
2,
3 ou
4, incapables de
porter la partie principale du site de liaison. Parmi toutes ces
possibilités, seules quelques-unes (heureusement pour les neurobiologistes
?) sont plausibles quand on considère la distribution des sous-unités,
leur niveau d'expression, et la pharmacologie observée in vivo.
Dans ce qui suit, les sous-unités entre parenthèses signifient que les
récepteurs avec et sans elles existent probablement.
4
2(
5) sont les récepteurs distribués le plus
largement, notamment dans le télencéphale (thalamus, cortex ...).
2
2(
5) pourraient être trouvés dans le noyau
interpédonculaire.
3
4(
2)(
5) sont présents
dans les ganglions autonomes mais aussi dans l'habénula médiale par
exemple.
3
2(
5) pourraient être présents dans
l'hippocampe et le cervelet.
6
2(
3) pourraient être
des oligomères présents dans les neurones catécholaminergiques du
mésencéphale (vide infra). Finalement
7 forme probablement
des homo-oligomères par exemple dans l'hippocampe.
L'expression de toutes ces sous-unités est strictement réglée durant le
développement de l'organisme. La quantité d'ARNm varie, suivant
un motif spatio-temporel spécifique de chaque sous-unité [372].
Par exemple chez le rat, les sous-unités 3,
4,
2 et
4 sont exprimées dans presque tous les neurones post-mitotiques
aussitôt que ces derniers apparaissent. Alors que
4 et
2
restent largement exprimées jusqu'à l'âge adulte,
3 et
4
sont progressivement restreintes à leur localisation chez l'adulte. La
distribution des sites de liaison, représentant les récepteurs assemblés,
est progressivement établie, selon un schéma précis [229]. Dans
le cortex temporal post-natal des rongeurs, Broides et coll.
[39] ont montré que l'expression d'
7 est commandée
par les entrées thalamo-corticales. Dans la cellule autonome motrice,
étudiée chez le rat et le poulet
[69,207,84], l'expression des sous-unités
augmente tout au long du développement. Alors que l'expression d'
3
et de
4 est commandée par l'innervation (en provenance de la
moelle) et le ciblage (en direction de l'organe), l'expression d'
5
semble moins sensible à ces facteurs [297].
Jusqu'à présent, la seule synapse nicotinique neurone-neurone identifiée
- c.-à-d. dont on ait identifié précisément le récepteur - est la
synapse se trouvant sur le soma du neurone post-ganglionnaire autonome
[1]. Cette synapse comporte des récepteurs
3
4(
2)
5 [352]. Autour de la
synapse proprement dite, se trouvent des récepteurs
7 dispersés
[165,201]. Cette synapse provoque les EPSPs
responsables de la transmission motrice autonome principale
[144,202]. Dans le système nerveux central,
plusieurs synapses ont été suggérées sur la base d'arguments
électrophysiologiques (revue dans [94]). La cellule de Renshaw,
un interneurone GABAergique localisé dans la moelle épinière,
présente des réponses nicotiniques synaptiques, provoquées par une
stimulation cholinergique en provenance du motoneurone. Plusieurs réponses
nicotiniques de type synaptique ont été enregistrées dans le thalamus,
particulièrement dans l'habénula médiale [211] et dans le
noyau genouillé dorso-latéral [212], dans l'amygdale
[237], et dans la substance noire, pars compacta
[117]. Plusieurs indices semblent indiquer une autre
possibilité dans le noyau ambiguus [339,367].
Cependant, les effets physiologiques prépondérants de l'ACh dans le
système nerveux central semblent dus à l'activation non-synaptique des
nAChRs [83]. Ces récepteurs participeraient à la
transmission paracrine ou volume transmission (par opposition à la
transmission câblée classique) [118,371]. Leur fonction
serait principalement modulatrice. De nombreux comportements documentés
des nAChRs impliquent une localisation présynaptique
[356] ou préterminale [200] des récepteurs. En
accord avec cette idée, les nAChRs sont probablement impliqués dans
diverses régulations de l'activité d'autres systèmes de neurotransmission.
Par exemple, on sait que la nicotine accroît la libération de dopamine
dans le striatum [347,164], de noradrénaline dans
l'hippocampe et dans l'hypothalamus [9,143], de
GABA dans le noyau interpédonculaire [200], le
thalamus [199] et le système mésostrié [170],
de glutamate dans le cortex [331], et d'ACh[280].
L'inactivation du gène codant pour la sous-unité 2 du nAChR
engendre des souris mutantes manquant totalement de sites à haute affinité
pour la nicotine [256]. Des études de microdialyse montrent
que chez ces souris la nicotine ne provoque plus de libération accrue de
dopamine [257].
En sus de leur rôle primordial dans la transmission autonome motrice, les
nAChRs sont fortement impliqués dans le contrôle moteur volontaire, la
modulation des entrées sensorielles et les processus de mémoire. De fait,
plusieurs agonistes nicotiniques sont des stimulants cognitifs (revue dans
[193]). Les souris ne possédant plus la sous-unité 2
présentent une absence de réponse nicotinique dans un test
d'apprentissage, la Passive Avoidance [256]. Il est
intéressant de voir que ce comportement est aussi altéré chez les souris
mutantes en l'absence de nicotine, suggérant un rôle de l'ACh endogène.
![]() |
Cependant la pathologie humaine la plus commune liée aux nAChRs est bien
entendu la dépendance à la nicotine. Une étude d'épidémiologie indiquait
en 1992 que le tabac était la cause de 20 % de l'ensemble des décès
survenant dans les pays développés [255]. Cette dépendance,
comme celle des autres drogues à accoutumance, est due en grande partie à
un circuit cérébral particulier, la voie dopaminergique mésostriée [Figure
1.6] [233,5]. Ce circuit est composé des
cellules dopaminergique du mésencéphale (appartenant à la substance noire
et à l'aire tegmentale ventrale (VTA) ) qui projettent aux
structures télencéphaliques, notamment au striatum et au cortex préfrontal
[141,127]. La partie ventrale, formée des neurones
de la VTA projetant au noyau accumbens et aux structures
limbiques, semble particulièrement importante [149]. Les
cellules dopaminergiques contiennent une grande quantité de nAChR
[185] (voir le chapitre 6). Les ARNm codant
pour 6 et
3 sont présents en grande quantité, ceux codant
pour
4,
5 et
2 en quantité moyenne et ceux codant
pour
3 sont difficilement détectables.
2 et
4 ne
semblent pas exprimées dans ces cellules. Les multiples effets de la
nicotine sur ce système ont été bien documentés (revue dans
[312]). Les souris n'ayant plus de sous-unité
2 ne
présentent plus de courants induits par la nicotine dans les neurones
dopaminergiques [257]. Comme mentionné au paragraphe
1.4, la nicotine n'accroît plus la libération de dopamine dans le
noyau accumbens. De plus, dans un paradigme d'auto-administration
[214], ces mutants montrent une absence de dépendance. On
établit une auto-administration de cocaïne, puis quand l'animal atteint un
plateau dans l'absorption de la drogue, on remplace la cocaïne par de la
nicotine. Alors que les souris sauvages continuent de s'auto-administrer
de la nicotine au même rythme que la cocaïne précédemment, les souris
mutantes stoppent le comportement d'auto-administration et ne présentent
plus de différence de comportement en présence de nicotine et de solution
saline. Il semble donc que
2 soit un des composants du substrat
neurobiologique de l'accoutumance à la nicotine.
Le récepteur nicotinique de la jonction neuro-musculaire fut le premier
récepteur de neurotransmetteur caractérisé grâce à son abondance et son
accès facile. L'étude de ses homologues neuronaux a profité de cette
primeur. Mais une des motivations fortes fut probablement le problème de
santé publique que représente la dépendance au tabac dans les sociétés
occidentales. Aujourd'hui, l'objet de cette recherche, le groupe des
récepteurs nicotiniques neuronaux, a été identifié et isolé. Les
investigateurs commencent à comprendre le fonctionnement moléculaire ainsi
que le rôle physiologique de ses membres. Et cette compréhension
nouvellement acquise révèle que ces récepteurs sont impliqués dans bien
plus de dysfonctionnements humains que l'on ne l'avait initialement
supposé.